Un bureau administratif - celui du sac d'os et de forte-tête

Le jounin avait fait son plus beau sourire à la secrétaire en bas, façon bellâtre de quartier, le tout en remettant sa mèche vers l'arrière avec un air entendu. Elle lui avait sourit en retour, et l'avait invité à se rendre au deuxième étage. S'il avait toujours refusé qu'on lui confie un bureau dans le bâtiment administratif, il n'en était pas de même pour tous ses collègues de l'anbu, et il avait entendu dire récemment que l'autre squelette ambulant s'en était aménagé un, ce qui l'avait fait doucement rigoler. Mais aujourd'hui, il cherchait le Kaguya, et aux dernières informations, il était en train de classer des dossiers comme un pauvre naae de fonctionnaire qu'il était. Et ça se prétendait le plus puissant anbu de Kiri, qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre, décidemment. Pourtant, aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, Kaneda était intéressé par une histoire de dossier. Il en portait même un sous le bras, fait suffisamment rarissime pour être souligné.

Il trouva le bureau que lui avait indiqué la secrétaire après avoir fait trois fois le tour de l'étage, mais il était incapable de dire si c'était le dédale infernal qui en était la cause ou bien les explications très floues de la demoiselle de l'accueil, incapable de faire son boulot correctement parce qu'elle était tombée sous le charme de l'Ourihana. Il n'était pas impossible non plus que ce soit une combinaison de ces deux facteurs. Il ne se donna pas la peine de frapper ou d'attendre qu'on l'invite pour entrer, pas avec Yendaï. Il ouvrit donc la porte à la volée, et pénétra à l'intérieur, en commençant la conversation, sans se soucier de savoir s'il n'y avait pas quelqu'un d'autre à l'intérieur. De toutes façons, si quelqu'un était présent, il le virerait manu militari si besoin. Ce qu'il venait dire à son collègue et rival ne pouvait pas attendre.

"Oh, le sac d'os, tu sais pas ce que je viens d'apprendre ? Je suis sûr que ça va t'intéresser autant que moi, peut-être même plus."

Le dossier était calé sur le bras, il le balancerait sur le bureau en faisant bien exprès d'y mettre le plus de bronx possible. S'il pouvait renverser une pile complète, ce serait l'idéal. Mais il était encore trop tôt, il faudrait le faire au moment opportun...

Yendai détestait ça. Parce qu'il avait fait l'Anbu, et parce qu'il était un Kaguya, on avait décidé de l'enfermer entre quatre mur dans une pièce fermée hermétiquement par une porte qui portait son nom. Portait, ou trônait... Bref. Il enrageait comme d'habitude, maudissant ses supérieures qui avaient appris à faire outre les sordides colères sadiques du personnage. Il avait voulu retrouver un semblant de vie sociale en quittant l'Anbu, retrouvant le fier bandeau de Kiri, au poste de jounin... des dossiers de l'administration. Le poids se décuplait à mesure que les minutes passaient et le-dit jounin s'écroula sous la charge.

*Putain, habitué à soulevé ces baisers de chiens d'Iwa, mais des dossiers de papiers je peux pas ! C'est quoi ce foin ? J'suis sûr qu'ils font leurs feuilles avec de la silice, ou une connerie du même accabit.*

Se relevant avec colère, il s'appuya contre la vitre qui encadrait la large fenêtre. Le paysage administratif se décrivait devant ses yeux bruns. En bas, il voyait la réception. Un curieux personnage, qu'il n'avait encore jamais vu dans ces locaux arriva, lançant un joyeux sourire malsain à la secrétaire qui touchait de ses vingt ans. Il passa, et s'en prit à ramasser les nombreux classeurs qui gisaient sur le sol. Puis la porte s'ouvrit à la trombe. Fouillant dans son tiroir, sans même regarder qui pouvait bien pénétrer ainsi inopunément dans SON bureau, à LUI. Il le lança et attendit avec satisfaction le bruit du choc dans le bois de la porte.

"J'ai déjà dit en bas que je voulais pas être dérangé."
"Oh, le sac d'os, tu sais pas ce que je viens d'apprendre ? Je suis sûr que ça va t'intéresser autant que moi, peut-être même plus."

Cette voix. Ses yeux étincelèrent de frayeur. Il se releva sans trembler et un grand plonc accueilit sa vieille face de Kaguya. Il venait de casser son bureau en deux, la tête séparant les deux battans de bois...

*Putaaaaain !*

Il se frotta généreusement le cuir chevelu et se tourna vers celui dont il savait déjà le nom sans avoir même à voir qui le portait.

"Vieil enfoiré ! C'est toi ! Depuis quand on drague les filles ! Vicelard ! Qu'est-ce que tu fous dans un bâtiment que tu détestes encore plus que moi."

Puis, réfléchissant quelques secondes, il se rendit vite compte qu'il avait déjà la réponse à sa question.

"Kso, sorry l'ancien. Les dossiers, j'ai en ras le coco moi de cette paperasse !"

Il l'invita à le rejoindre autour de son... bureau. D'un coup du bras il dégagea l'ancestrale planche de bois dans le couloir, provoquant un chahut indescriptible. Il posa au milieu de la petite salle l'autre qui faisait office de service de café. Il lui proposa une chaise et ils s'assirent tous deux. Il se concentra sur ce que le jounin portait sous l'épaule. Puis levant les yeux au ciel, son rictus se remit à tirer au rouge.

"Et ne m'appelle plus sac d'os ! Compris le vieux ?"

Il soupira désepérement. Il connaissait Kaneda, pour avoir déjà effectuer quelques missions avec lui, avant qu'il ne rejoigne l'Anbu. Il ne lâcherait rien. Il était aussi pété que lui, si pas plus, alors c'était pour dire l'assurance du sadisme du bonhomme.

*J'aurais du rester dans l'Anbu...*

Casser le bureau, c'était mal. Kaneda trouvait que de la part d'un fonctionnaire, c'était même inacceptable. Il passait sa journée à rien foutre, et en plus, il se permettait de détruire le matériel mis gracieusement à sa disposition par les autorités du village. Impardonnable. Il devrait peut-être le dénoncer, ne serait-ce que pour rigoler un coup. Mais en fait, non, c'était bien plus drôle de l'imaginer en train de recoller sa table ou d'aller tout penaud voir la Mizukage pour lui demander s'il aurait droit à nouveau bureau, parce que le sien s'était malencontreusement étalé par terre, suite à un incident aussi imprévisible qu'inattendu. Kaneda en salivait d'avance. Un vieux sourire narquois s'affichait sur son beau visage d'enflure. Faire péter les plombs à l'autre l'avait toujours beaucoup amusé, hormis en mission bien sûr. Les conneries c'était pour le civil, l'anbu lui était d'un sérieux et d'un professionnalisme à glacer le sang, un monstre au coeur de pierre, qui ne connaissait plus la signification du mot émotion.

"C'est comme tu veux, le squelette ambulant. Alors, voilà, je viens de recevoir un pigeon, en provenance d'un de mes informateurs à Oto. Il me dit qu'un type est en train de faire du grabuge à l'auberge. Jusque là, rien de bien excitant, je te l'accorde. Mais attends la suite."

Petit silence théâtral, pour le laisser s'impatienter. Puis, en le sentant bouillir, il reprenait.

"Normalement, mon informateur ne m'envoie pas de messages pour un truc aussi bénin. Sauf que là, il a vu un truc que j'avais demandé de surveiller. Le type a tué un mec, en lançant des projectiles qui sortaient de ses doigts, des projectiles d'ivoire, si tu vois ce que je veux dire. Je suis sûr que tu vois. "

Puis balançant le dossier sur Yendaï, il lui livrait une dernière information, peut-être la plus importante. Celle qui concernait Kyako...

"Tu as lu les rapports sur la bataille de Kyako, n'est-ce pas ? Tu sais que Maelia Tora est dans le coma depuis lors, et qu'elle avait poursuivi un des membres de son équipe qui tentait de fuir. Dans les rapports, il est noté qu'il est présumé mort, et qu'elle a été démolie après coup par un autre type. Seulement voilà, on a jamais retrouvé le corps de ton pote. Et j'ai toutes les raisons de croire que ce petit salopard à Oto n'est autre que notre traître."

Le rapport qu'il avait lancé sur le Kaguya n'était autre que le dossier de Liari Kaguya, le lâche qui avait causé la perte de son équipe, et qui avait bien failli coûter la victoire à Kyako. D'un coup, son regard se faisait plus perçant.

"Vu que c'est un des tiens, je me suis dit que tu voudrais peut-être monter une équipe et t'en charger toi-même. Sinon, si tu es trop occupé avec tes dossiers, je m'en occuperai personnellement. Le pigeon est parti il y a six heures. Il ne faut pas trop tarder, si on ne veut pas paumer la trace de ce morveux. "

Yendai écouta attentivement son aîné. Si les deux jounins s'amusaient à se tirer dans la gueule chaque fois qu'ils se voyaient, ils ne doutaient pas l'un de l'autre. Ils connaissaient chacun leur propre valeur, comme celle de tous les autres jounins. Lors des soirées les plus folles, les concours de sadisme viraient souvent dans des tirades longues et monotones, dans des calvaires affreux et indécents, mais finalement, ils ne faisaient guère le con pendant le travail. Peu à peu son visage se terni. Il savait. La première fois qu'il avait voulu sous-entendre la présence d'un Kaguya, il savait qui il était. Depuis le début il sentait quelque chose d'étrange dans le coeur de ce cousin qu'il n'avait jamais connu. D'abord la puissance phénoménale qu'il cachait, même involontairement en lui. Ensuite, ces points de mémoires qui revenaient régulièrement à son esprit. Cela se sentait chaque fois. Ses yeux prenaient une teinte nouvelle. Il ne savait pas d'où venait ce gamin, mais sa fuite, du moins sa désertion lors de la bataille de Kyako prouvait bien qu'il avait d'autres idées en tête, un passé un peu houleux... Et cette évènement là était le parfait déclencheur. Il tombait pil à temps, comme si Chinizu l'avait programmée pour que le Kaguya se trahisse de lui-même. Mais cela faisait bien longtemps qu'il ne lui avait plus parlé. Et effectivement, Maelia-sama était toujours retenue dans un autre monde, peut-être meilleur.

Ce sujet était grave. Durant toute sa vie il avait consacré sa vie à la reconstruction du clan Kaguya, qui avait subit de nombreuses perversions, désertions, ou tout autre évènements désagréables. Il les avait tous chassé, et ils les avait tué. Il en ferait de même avec celui-là, mais avant, puisque apparemment la mémoire lui était revenu, il voulait comprendre.

"Je l'ai toujours trouvé suspect. J'en ai très peu parlé avec Mizukage-sama. Cependant je sais qu'elle possède un dossier bien plus complexe. Cela ne m'étonnerait pas que le CNRS est fait de nombreuses recherches génétiques. L'établissement de la bataille de Kyako me semble finalement louche, aujourd'hui. A y penser, tout cela parait trop bien ficellé. Je suis sûr que Chinizu-sama avait préparé son coup. Mais ni elle, ni les forces rassemblées à Kyako n'auraient pu prévoir un combat si rude."

Il reprit son souffle. Son rictus était devenu sévère. Dès lors que l'on parlait de sa famille, proche comme lointaine, l'ancien Anbu tournait à une sévérité presque attristante.

"Mais nous n'avons pas assez de temps, tu as raison Kaneda-san. Il faut partir maintenant. Qu'importe ce que l'administration avait prévu pour ce bonhomme. Nous 'devons' le retrouver."

Il avait volontairement accentuer le 'devons', intensifiant un peu plus le caractère sombre du personnage qui reprenait sur tous les autres sentiments. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas trouvé une telle tristesse et une telle colère en lui. Kaneda ne semblait pas vouloir lui imposer quoi que se soit, juste lui souligner le pressant de la situation, et son importance. Aucun des deux jounins n'avaient voulu prendre une once de supériorité, alors qu'ils auraient pu, vu l'étrange disparition de toute autorité supérieure. Cependant, le caractère familiale donnait raison à Kaneda. Et vu la réaction de son collègue, il avait sûrement raison. C'était donc à lui de choisir. Devait-il partir ? Il aurait aimé. Devait-il emmener l'Ourihana avec lui ? Composer une équipe. Tant de dilemnes qui lui barraient le chemin... Et il n'avait pas le temps. Pendant quelques secondes seulement son esprit se vida.

"Réunis Dokara Akane et Kirue Nara de ton équipe dans 40 minutes au port. Ils seront joints à deux éléments de mon équipe. Dokara saura comment retrouver Liari. Quant à toi, je te propose de rester ici. Quoi qu'il arrive, nous ne pouvons laisser le village sans l'un de nous deux pour le surveiller."

Il ne disait pas ce que lui allait faire. Il ne voulait pas le lui dire. Garder secret. Une partie des devoirs de l'Anbu réappararissaitent. Cependant, le sous-entendu était fort. Il n'avait aucunement parler de lui. Kaneda comprendrait, ou pas.
Il se releva, invita le jounin à en faire de même. Yendai réunit tout ce dont il avait besoin, s'empara de la clé de son casier, celle de la porte, et ouvrit discrètement un tiroir de son bureau. Il en sortit un masque en forme de tête de puma. Il le glissa rapidement dans son sac, avec quelques kunais...

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